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Twitter, Laurent Joffrin et le capital social/culturel

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Anthony
-
23 juillet 2011
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    Il y a peu, twitter a vu débarquer en son sein un nouveau venu, un de plus, issu du sérail politico-médiatique ! Chose convenue au vu de la croissance du service de réseau social qui a récemment atteint les 3,3 millions d’abonnés en France : les “élites” puisqu’il faut les appeler ainsi, s’intéressent également à ce réseau social plutôt original qui fait frémir d’excitation les journalistes et les passionnés de l’information. Ce nouveau venu, c’est Laurent Joffrin – anciennement directeur de la rédaction de Libération et revenu au Nouvel Observateur récemment. Bref, donc, un homme de médias influent et dont les qualités ne sont pas contestées ici : ce n’est pas le but de ce billet. Il n’en est d’ailleurs pas l’objet, mais plutôt le prétexte à une réflexion sur la nature du capital culturel propre à twitter et à la question de la transitivité du capital  social. Donc non, on ne parlera pas de politique ici.

    In Social Media, you have « social »

    Le 7 mars, Laurent Joffrin ouvre un compte twitter :

    On remarque d’emblée l’objectif de son propriétaire : poursuivre d’une certaine façon un « éditorial », format par excellence du journalisme d’opinion. Or ce journalisme là, comme tout journalisme par ailleurs, n’appelle pas au commentaire, à la réaction, à l’interaction. Si les médias web ont ouverts des commentaires sous leurs articles, c’est bien plus dans un souci d’adopter à la marge la culture web, que de la défendre et la promouvoir. La plupart des rédactions aujourd’hui ne répondent pas à ces commentaires et font modérer ces derniers par des sociétés  spécialisées (et quand je parle de « modération », je parle de suppression des commentaires jugés hors propos ou insultants – en aucun cas de « community management », c’est à dire d’interaction constructive entre le journaliste et sa communauté de lecteurs – faisons clairement la nuance) – certains médias (Marianne par exemple) décidant même récemment de les fermer ! Tel un journaliste de l’ancienne garde donc, Laurent Joffrin s’essaie à Twitter avec la même culture journalistique qu’il pratique au Nouvel Observateur ou qu’il a pratiqué à Libération.

    Le 5 mai, le journaliste s’essaie à une première interaction avec un des ses abonnés et commence à appréhender le mode de fonctionnement du réseau de micro-blogging même s’il y conserve une certaine distance rédactionnelle.

    La culture Twitter

    Puis, le 18 juillet, une remarque anodine vient gripper ce processus d’acculturation et déclenche un certain malaise parmi les usagers du réseau Twitter :

    Ce rappel à l’ordre (« qui vous autorise ») d’une norme sociale, si elle peut paraître au premier abord légitime, dérange sur twitter. Et ce pour deux raisons. Tout d’abord, parce que la « culture twitter » ne connaît pas le vouvoiement. Sur twitter, tout le monde se dit tu. Ce n’est pas une marque d’irrespect, mais bel et bien une norme sociale qui s’est imposée et qu’il faut prendre comme telle. Et après tout, l’anglais utilise  le « you » aussi bien pour le « tu » que le « vous ». Laurent Joffrin témoigne donc ici de son manque de culture web et de sa méconnaissance des usages sociaux qui font la socialité notamment ici de twitter.  Si les membre du réseau de micro-blogging sont bel et bien tous différents les uns des autres, ils partagent une même culture qui les lie : des codes (le hashtag, le RT, le @ et donc le tutoiement….), des rites (le follow friday, le #jeudiconfession…) et un langage en 140 caractères qui se veut volontiers badin.

    Ensuite, ce qui choque le plus dans le tweet de Laurent Joffrin, c’est le ton condescendant. En prenant cette hauteur face à @peultier, Laurent Joffrin tente de mettre dans la balance le poids social de son statut d’élite pour faire la différence et révéler qu’en somme, le journaliste se place « au dessus de ». Le problème est que ce message adressé donc à @peultier est ressenti comme un défi à tout le réseau et dit à Twitter et ses membres en somme : « moi Laurent Jofrin, je suis une élite, on n’est pas du même niveau ». Sauf que Twitter a cette particularité plutôt égalisante qui font la grande attractivité des médias sociaux : chacun a les mêmes outils, les même moyens de parler sur la place publique, on y est donc un peu tous « égaux », au moins dans la parole. Laurent Joffrin, homme de médias à l’ancienne, comprend difficilement cela :

    Mais le plus important est ici que le « capital social » qui fait de l’homme une élite est ici complètement inopérant. Si de nombreuses critiques sont venues des membres du réseau, trop peu sont venus défendre Laurent Joffrin. Il n’a pu bénéficier que d’un soutien social limité sur le réseau : il ne peut activer ses liens sociaux et se retrouve donc seul face à des internautes dont le capital social sur Twitter est plus important que le sien. Par méconnaissance des règles du réseau et à travers la croyance de la transitivité de son capital social dans la « société twitter », Laurent Joffrin s’est posé en « outsider » :

    Conclusion

    J’aimerais donc avancer quelques hypothèses :

    1. La « société twitter » utilise un capital culturel dont la nature est propre au réseau.
    2. Si le capital social sur twitter se construit sur la base d’un capital culturel propre, alors on peut avancer l’idée que la société twitter génère une élite sociale qui n’est pas l’élite que l’on peut rencontrer IRL : c’est une élite sociale propre au réseau de micro-blogging.
    3. Enfin, par conséquent, on peut avancer l’idée que twitter ne permet pas une pleine transitivité du capital social : le capital social de la société IRL n’est pas transposable, ou alors à la marge, sur le réseau de micro-blogging.

    Évidemment, ce ne sont que des hypothèses, et qui s’appuient sur un cas particulier. Et les contre-exemples existent tout aussi bien ne serait-ce que si on regarde le nombre de blogueurs qui ont réussi le transfert de leur capital social sur twitter. La transitivité du capital social IRL/twitter est certainement plus compliquée qu’elle n’en a l’air et ne repose certainement pas uniquement sur l’acquisition d’un capital culturel propre. Et si l’on est bien d’accord que la socialité online augmente et complète la socialité offline, reste à mieux comprendre comment et à s’intéresser aux canaux de transmission entre les deux.

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